Le satellite Hipparcos de l'ESA révèle des courants d'étoiles migratrices

En utilisant les données de l'observatoire spatial Hipparcos de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), une équipe d'astronomes belges, espagnols, suisses et français a découvert que de nombreuses étoiles à proximité du soleil ont des mouvements inhabituels dus aux bras spiraux de notre galaxie, la Voie Lactée. Selon cette étude, notre voisinage solaire est un carrefour important de courants d'étoiles migratrices venues de plusieurs directions différentes. De nombreuses étoiles abritant des systèmes planétaires dans notre voisinage pourraient être des immigrées, originaires de régions plus centrales de la Voie Lactée.

En utilisant les données du satellite Hipparcos de l'ESA, une équipe d'astronomes européens a découvert plusieurs groupes d'étoiles « rebelles ». Celles-ci se déplacent dans des directions inhabituelles, tandis que la plupart des étoiles proches du soleil suivent une orbite quasiment circulaire autour du centre de notre galaxie, communément appelée la Voie Lactée (un ensemble de centaines de milliards d'étoiles plus ou moins identiques au soleil, se répartissant dans un disque de cent mille années-lumière de diamètre, c'est-à-dire un milliard de milliards de kilomètres). Ces rebelles représentent à peu près 20% des étoiles situées à moins de mille années-lumière du soleil (lui-même situé à 25 mille années-lumière du centre du disque). Elles ne se déplacent pas comme les autres le long d'une orbite purement circulaire mais bougent aussi singulièrement dans la direction du centre galactique ou vers l'extérieur de la galaxie, comme les rayons d'une roue de vélo.

Les données montrent que les rebelles à l'intérieur d'un même groupe n'ont pas grand chose à voir les unes avec les autres. « L'aspect le plus surprenant de ces courants stellaires est qu'ils contiennent des étoiles d'âges très différents. Cela signifie qu'elles ne peuvent s'être formées au même endroit et au même moment » nous dit Benoit Famaey, Université libre de Bruxelles. Le courant des Hyades par exemple (nommé ainsi car il englobe l'amas des Hyades, comprenant la plupart des étoiles autour d'Aldébaran, l'étoile orange brillante dans la constellation du Taureau) ne comprend pas que l'amas des Hyades, qui est âgé de 600 millions d'années, mais aussi des étoiles beaucoup plus vieilles. « Elles ressemblent à des compagnons de voyage occasionnels plutôt qu'à des membres d'une même famille » ajoute Benoit Famaey.

L'équipe pense que les étoiles rebelles ont été placées sur leur trajectoire inhabituelle par un « coup » reçu d'un des bras spiraux de la Voie Lactée. Les bras spiraux ne sont pas des structures solides mais plutôt des régions de plus grande densité de gaz et d'étoiles, appelées « ondes de densité » et similaires à un embouteillage qui se déplace sur l'autoroute. Le passage d'une onde de densité compresse le gaz rencontré et favorise la naissance de nouvelles étoiles ; cela peut aussi affecter des étoiles préexistantes en modifiant leur mouvement. Après le passage de l'onde, de nombreuses étoiles vont donc voyager ensemble dans un courant, toutes dans la même direction, même si elles étaient originellement sur des trajectoires différentes.

Cette étude a montré que le voisinage solaire est un carrefour important de plusieurs courants migrateurs venant de différentes régions de la galaxie, contenant des étoiles de compositions chimiques différentes. Des recherches en cours indiquent que ces courants d'étoiles migratrices pourraient également augmenter le nombre d'étoiles avec système planétaire présent dans le voisinage du soleil. En effet, les astronomes pensent que les systèmes planétaires se forment préférentiellement dans des nuages de gaz avec importante fraction de métaux, comme c'est le cas dans les régions plus centrales de la Voie Lactée. Les courants découverts par Hipparcos pourraient constituer le mécanisme qui a amené ces systèmes près du soleil. Comme l'explique Benoit Famaey, « si ces étoiles ont été heurtées par un bras spiral, elles ont pu être déplacées à des milliers d'années-lumière de leur lieu de naissance ». Ces étoiles, accompagnées de leurs planètes, ont donc pu migrer plus près de chez nous.

Pour en apprendre plus sur la structure de notre Voie Lactée, un ensemble de centaines de milliards d'étoiles, les astronomes étudient la manière dont ces étoiles se déplacent par rapport au soleil ou les unes par rapport aux autres. Pendant sa mission de quatre ans entamée en 1989, le satellite Hipparcos de l'ESA a mesuré la distance et le mouvement de plus de cent mille étoiles dans une sphère de mille années-lumière de rayon autour du soleil. Cependant, tandis que les données d'Hipparcos nous montrent dans quelles directions les étoiles se déplacent sur le ciel, elles ne nous disent pas si les étoiles s'approchent ou s'éloignent de nous. Grâce à des mesures effectuées au sol avec le télescope suisse de un mètre de diamètre de l'Observatoire de Haute Provence, Benoit Famaey et ses collègues ont pu ajouter la troisième dimension, c'est-à-dire la vitesse avec laquelle les étoiles s'approchent ou s'éloignent de nous. L'effet Doppler implique que la couleur d'une étoile change lorsqu'elle voyage vers nous ou s'éloigne de nous, devenant respectivement plus bleue ou plus rouge. C'est donc la mesure du décalage Doppler qui a donné aux astronomes l'information supplémentaire sur la troisième dimension de la vitesse. « Grâce à la combinaison de ces données de première classe, nous avons maintenant une vision complète en trois dimensions de la manière dont les étoiles bougent par rapport à nous » nous dit Benoit Famaey.

Les scientifiques se demandent à présent quelle est l'étendue des courants étudiés par cette équipe, et quel rôle ils pourraient jouer dans l'évolution de notre galaxie. « Ce résultat ouvre de nouvelles perspectives pour la compréhension de la dynamique de la Voie Lactée » commente Michael Perryman, le chef de projet des missions Hipparcos et Gaia. La mission Gaia de l'ESA, prévue pour être lancée en 2010, rendra possible l'étude de ces courants stellaires dans une région beaucoup plus étendue de notre galaxie. « Gaia observera plus d'un milliard d'étoiles et mesurera leur mouvement dans les trois dimensions simultanément. Cela nous donnera la vision la plus claire que l'on n'ait jamais eue de la structure et de l'évolution de la Voie Lactée » ajoute Michael Perryman.


À l'attention de la presse :

1°) Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter

Alain Jorissen ULB-Institut d'Astronomie et d'Astrophysique Tel : 02 650 28 34 ou E-mail : ajorisse@astro.ulb.ac.be

2°) Le communiqué portant le titre « ESA's Hipparcos finds rebels with a cause » est également diffusé par l'Agence Spatiale Européenne à l'adresse:

http://www.esa.int/science/media

3°) Information complémentaire:

Ces résultats sont présentés en détail dans un article publié ce mois dans la revue Astronomy & Astrophysics. Outre Benoit Famaey (ULB), la liste des auteurs comprend : Alain Jorissen, Université libre de Bruxelles, Belgium; Xavier Luri, University of Barcelona, Spain; Michel Mayor and Stéphane Udry, University of Geneva, Switzerland; Herwig Dejonghe, Ghent University, Belgium; Catherine Turon, Observatory of Paris-Meudon, France.

L'article « Local kinematics of K and M giants from CORAVEL/Hipparcos/Tycho-2 data. Revisiting the concept of superclusters » est disponible à l'adresse:

http://www.edpsciences.org/articles/aa/pdf/press-releases/PRAA200409.pdf

4°) Vous trouverez ci-joint une illustration avec légende

Légende: Vue d'artiste de notre Galaxie, la Voie Lactée, un ensemble de plusieurs centaines de milliards d'étoiles. Les bras spiraux sont clairement visibles. Ce sont des régions où la densité en gaz, poussières et étoiles est élevée. Le Soleil est situé à la frontière de l'un des bras, approximativement à mi-chemin du centre de la Galaxie. Les bras spiraux sont capables de 'frapper' les étoiles dans leur voisinage, et de les rassembler au sein de courants voyageant vers l'intérieur ou l'extérieur de la Galaxie, alors que la majorité des étoiles tournent sur des orbites circulaires, à distance constante du centre de la Galaxie. Grâce à des données du satellite Hipparcos de l'Agence Spatiale Européenne, les astronomes ont pu identifier trois de ces courants au sein des étoiles du voisinage solaire.